Voilà quelques mois déjà que nos vies ont été bouleversées. Ce qui était impensable hier est aujourd’hui devenu possible. Bien plus, une nouvelle façon de vivre a vu le jour ; une autre façon d’appréhender la vie, les relations humaines, les autres.
Nous avons rapidement pris l’habitude de voir les visages ; des adultes, des personnes âgées, et même de nos enfants, jusqu’ici épargnés, à moitié apparents. Heureusement, le regard, ce miroir de l’âme, reste pour l’instant notre lien, pour l’instant. Car nos vies ont été radicalement transformées, et ce masque que nous portons n’est que le signe apparent d’un mal plus profond.
Nous essayons de protéger nos vies, à tout prix… Mais quel est ce prix justement, ne serait-ce pas celui de la Vie ?
À un moment de l’histoire de l’humanité, où nous pensions dominer les sciences, les technologies et pouvoir influer sur le cours des événements, un virus, infiniment petit, est venu nous rappeler la réalité. Celle de notre humanité, de notre faiblesse, de notre maîtrise des événements finalement si relative, presque inexistante. Seulement, nous nous obstinons à penser être en capacité de reprendre en main la situation et nous y attelons, quel qu’en soit le prix.
Pour échapper à ce virus, devenu ennemi déclaré, tout est envisagé. Plusieurs fois, les avis ont changé ; ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui. L’unique objectif est de sauver les vies, mais à quel prix ?
Quel est, quel sera le prix à payer pour nos enfants, en particulier ? Comment vivent-ils leur enfance ? Ce moment crucial qui influe sur tout le reste d’une vie… Depuis quelques semaines, les voilà obligés de respecter des mesures sanitaires drastiques : remonter le masque sur le nez, éviter de tousser, d’éternuer et de respirer librement. Des barrières érigées, au sein même de l’école, des amis qu’ils ne peuvent plus voir, de peur d’être contaminés. Alors, ils ne comprennent pas et sont en colère contre ce virus qui a tellement transformé leur vie d’enfant. Ils attendent que cela passe avec une certaine fatalité, si inhabituelle pour leur jeune âge. Se rend-on bien compte du prix à payer pour tous ces enfants, cette génération, qui grandit ainsi ? Ceux qui, dès les premiers mois de vie, ne voient plus que des adultes portant des masques, en crèche ou ailleurs. On constate déjà des difficultés dans l’apprentissage du langage. Difficile d’apprendre à parler quand on ne voit plus les visages s’animer.
Malgré tout, l’espoir est là. Car les enfants ont cette belle capacité de changer, de s’adapter, de rebondir, de trouver en eux les ressources nécessaires, de faire preuve d’une créativité incroyable.
Alors, malgré une situation sanitaire qui peut nous dépasser, veillons à les laisser vivre leur vie d’enfant, le plus sereinement possible. Cela sera certainement pour eux, pour nous, pour demain, ce qui nous permettra de transmettre la vie. Une vie où certains risques sont pris, une vie où les relations humaines sont source de joie. Aidons nos enfants à se sentir en sécurité. Il est vrai que nous ne maîtrisons pas les événements mais les a-t-on jamais maîtrisés ? Rassurons-les en les considérant pour ce qu’ils sont, de petits êtres en construction, en devenir, qui ont besoin de parents et d’adultes sereins pour les entourer et les accompagner au quotidien. Préservons en eux cette belle insouciance, permettons-leur, autant que possible, de vivre.
Car il s’agit de cela, sauver la vie qui est en eux : leur joie, leurs sourires, et leurs éclats de rire qui nous illuminent chaque jour.